to infinity and beyond

ft. Winter and Pearl

Revenir de Sydney, c’est toujours un petit pincement au cœur, et un soulagement en même temps. Sydney, c’est trop grand, et ça n’a pas le charme de Manhattan, Pearl est contente de rentrer à la maison. Home. It’s weird. Elle n’est toujours pas habituée à appeler Tweed Heads sa maison, parce que ça ne l’a pas été pendant des années. Son retour lui paraît toujours provisoire. Ce qui lui fait penser à Emily ; celle qu’elle a laissée derrière elle, à New-York, un continent plus loin. Elle devrait lui donner un coup de fil, la prévenir qu’elle ne rentrera pas, en tous cas pas avant un long moment. Mais Emily doit déjà le savoir parce qu’Emily de toutes manières sait toujours tout avant qu’on ne lui dise ; alors Pearl repousse au lendemain, tous les matins. Et quand elle prend son téléphone, ce n’est pas pour appeler Emily, parce qu’elle compose un  nouveau numéro, aussi nouveau qu’il puisse être quand elle le connaît déjà par cœur.

Hey ! Je suis à Tweed Heads dans une heure et demie. On se voit ce soir ? XOXO Pearl

Winter, c’est le genre d’amie sur lequel on peut compter, s’est vite rendue compte Pearl. Du genre qu’on ne quitte plus jamais, parce qu’une fois partie tout est dépeuplé. Et deux femmes qui se ressemblent autant, ce sont deux femmes qui ne se quittent plus. Ce n’est pas une Emily bien entendu – rien de romantique avec Winter. Juste une sorte de meilleure amie comme Pearl n’en a plus eu depuis longtemps ; et ça fait du bien de retrouver ça. Des étoiles plein les yeux, des artistes plein les bras, des tableaux plein son bureau, Pearl a besoin de raconter son court séjour à Sydney à quelqu’un, et avant Rosemary, ce doit être Winter. Parce que Rosemary est une excellente amie, une réelle partenaire, mais avec Rosemary elle devra aussi discuter business, éventuellement, entre deux éclats de rire, et pour l’instant, Pearl a seulement envie de parler potins. Raconter ses aventures de nuit ; un homme charmant, cet Allemand aux yeux bleus. Pearl embarque, son sac à mains pour seul bagage, elle est habituée à voyager léger, le plus léger possible, parce qu’on en a toujours trop pour rien, et qu’à force de découcher, elle a pris quelques mauvaises habitudes de n’avoir jamais besoin de rien. Enfin, rien, sauf des lingettes à bébé et des rechanges de soie dans la doublure de son sac Chanel, ce n’est presque rien. Winter se moquerait sans doute d’elle si elle avait ça à voix haute, et Emily aurait fait les gros yeux, mais tant pis. On ne change pas aussi facilement.

Quatre vingt minutes exactement ; c’est la durée de ce trajet auquel ses parents étaient abonnés pense Pearl. Sydney – Tweed Heads, un le matin, un le soir, pour aller voir elle ne savait quelle élite, dans elle ne savait quels bureaux, tout est que Daddy rentrait tard, Mommy à son bras, rouge à lèvres fuchsia, et grondait Calpurnia la bonne pour avoir laissé les enfants veiller jusqu’à leur retour. Rien de plus naturel pourtant, que d’attendre ses parents et leurs baisers magiques pour aller se coucher, pense Pearl en se replongeant dans ses souvenirs d’enfance. Elle imagine, quelques secondes, ce que ce serait pour elle que de rentrer voir ses propres enfants, ceux qu’elle s’invente quand elle se sent vieillir un peu trop, de revoir leurs visages joufflus, leurs yeux qui brillent, leurs petites mains potelés accrochées à ses cheveux. Elle donnerait tellement pour rouvrir les yeux sur cette image – mais le monde continue à tourner normalement. C’est une hôtesse de l’air aussi rousse qu’elle qui la réveille.

« Winter ! » Perdue dans la foule, une tête rousse a trouvé sa tête brune, et son sourire, toutes dents dehors, est éclatant. Elle agite la main, son foulard vole autour de son cou. Winter est venue à l'aéroport, comme elle avait promis qu'elle le ferait, et Pearl saute dans les bras de son amie. « Oh boy, tu m'as manquée ! ça fait quoi ? trois jours ? J'ai plein de choses à te raconter ! »

© code by Cacadum