Il se faufile entre les allées de la boutique, curieux de connaître quels livres sont placés en tête de gondole. Il reconnaît les noms, soupire lorsqu’il ne trouve pas ce qu’il est venu observer aujourd’hui. Ses pas le mènent vers une autre allée et, sans crier garde, il les voit. Parfaitement alignés sur leur stand, attendant patiemment d’aiguiser la curiosité des lecteurs. Tendrement, comme il l’aurait fait pour caresser la fourrure douce d’un animal, ses doigts passent sur les couvertures brillantes. Il sent leur odeur, ce parfum de papier, où les mots ont été fraîchement imprimés. Il se revoit, quelques mois auparavant, découvrant avec émerveillement cette histoire aux accents d’aventure. Il fallait s’empresser de proposer une offre, plus alléchante que n’importe quelle autre maison d’édition. Parce qu’il était sûr et certain que ce livre aurait du succès. Et qu’il ne ferait que du bien à sa réputation, déjà florissante. Il voit son nom, inscrit sur la reliure de chaque livre. Mais également sur le stand, juste en dessous de celui de l’auteur. Et pour la première fois depuis longtemps, Jack se sentit pleinement heureux.
Le premier visage auquel il pense est celui d’Ivy. Il revoit son sourire, repense à sa joie de vivre contagieuse. A cette manière qu’elle a de le rendre le plus paisible possible. Avec son téléphone portable, Jack prend une photo du rayon et l’envoie rapidement à Ivy, déjà pressé d’obtenir son approbation. Il ne suffit que de quelques secondes pour recevoir son appel et alors que son doigt presse la touche verte, ses yeux rencontrent ceux, trop familiers, d’une jeune femme. Les siens, écarquillés par le choc, sont déjà tournés vers lui. Attendant une réaction de sa part.
Mais il reste planté là, abasourdi par cette vision irréelle, impossible. Tout paraît s’arrêter autour de lui, tandis qu’il lui semble revenir un an en arrière, lorsqu’il l'a quitté sans un regard en arrière, sans le moindre au revoir. L’esprit embrumé, il reprend une contenance, porte le téléphone à son oreille et s’excuse auprès d’Ivy. – Je te rappelle plus tard. Il imagine déjà les mensonges qu’il devra lui servir, lorsqu’elle souhaitera une explication. Mais ce n’est pas le plus gros problème.
Lentement, comme s’il risquait d’y laisser sa vie, Jack avance. Un pas, puis un deuxième. Jusqu’à ce que les détails de son visage lui paraissent plus clairs. Il éprouve cette envie étrange de caresser son visage, comme il l’aurait fait bien avant, alors que leur histoire n’avait pas encore connu sa fin douloureuse. - Que fais-tu ici ? Je te croyais en Italie. Sa voix déraille, incapable de prononcer les mots correctement. Mais il se félicite intérieurement, pour avoir brisé le silence qui s’installait, malgré le bruit ambiant.