Des jours qui ne ressemblent qu’à l’aube des nuits. Gemma, elle écume les pavés graves. Entre les cadavres de bières, les mégots et la cendre, la poudre et les cuillères. Ça sent la sueur et l’impudeur, l’humanité et ses détritus. L’haleine qui pue un savoureux mélange d’alcool et de shit. Et l’espoir qui perle au coin des lèvres. Tout est brouillé. Comme drapé dans un nuage de fumée abstraite. Gemma, elle est déroutée, désordonnée. Égarée, à demi. Anna, elle maîtrise l’art de la déstabiliser. Elle rend ses pas incertains. Et, Gemma, elle devient branlante. Les pensées faites de plumes, et, de brouillard. Gemma, elle la dévisage, penche un peu la tête, signe d’incompréhension. Là-bas, Anna, elle murmure ses envie d’ailleurs, d’errance, et, d’infini. Rêvant de mer agitée aux vagues rudes, et, de soleil ardent aux rayons dépareillés. Des promesses. Faites d’ivresse, et, d’illusions. Aussi brut qu’un voile. Ce voile qui recouvre ses lèvres, pis, s’envole, en arrachant son être. Gemma, elle passe le seuil de la porte d'un pas lourd. Sa lèvre se brise entre ses dents. Et, elle claque la porte.

Belle, doré. Comme les blés, comme le soleil, comme les herbes brûlées du Texas. Belle, doré. Comme l’astre solaire, comme la lumière elle-même, comme le miel des abeilles. Gemma, elle s’ancre dans l’asphalte. Ça tremble dans ses jambes, et, ça remonte au cœur. Ça glisse, encore. Pis, ça remonte au cou. Ébranle sa gorge, lui coupe le souffle. Gemma, elle bronche pas. Elle respire plus. Son cerveau bouillonne. Elle veut pas se cramer la gueule, Gemma, à force de se perdre dans ce regard opalin. Une sensation de mort. Comme crever la bouche ouverte. L’impression de ne plus sentir battre son cœur. Pourtant, au fond, il violente se poitrine comme jamais. Gemma, elle sent son cœur qui bat à tout rompre. Avec force et conviction. Vite, trop vite. Il s’affole. Il bat à s’en déchirer un muscle. Il cogne contre les murs de chair et de peau. Jusqu’à ébranler la terre, faire trembler les enfers. Fébrile. Gemma, elle est faible. Percuté par son souffle, à Anna. Par ce mélange de saveurs. Elle brûle de lui arracher un baiser, de ces langues qui se mêle, et, se démêle. Elle s’annihile, bêtement. Se délecte au contact de la brune. Parce que son âme crame, que ses veines transpirent, que son cœur s’enflamme.

Elle fond un baiser bouillonnant dans le creux de son cou. Goûtant à sa peau tout en s’enivrant de son parfum. Elle maintient cette proximité éphémère, laissant ainsi, son souffle l’échauffer encore, davantage. Elle veut la prendre, la faire sienne dans un élan de possession agressif. Sa brutalité se pointe, l’abandonnant à un appétit animal. Anna, elle la regarde pas. Elle ne l'a pas regardée parce qu'elle a les lèvres salées, la bouche pimentée. Et, Gemma, elle est sucrée. C'est le sol qu'elle regarde.  « Anna (…) » Et l'écho de ses mots qui rebondissent sur l'asphalte, ses mots qui se crashent sur le macadam. Et, ses mains qui tombent. Gemma, elle a besoin de force pour porter les mots, pour laisser échapper son prénom d'entre ses lèvres. Gemma, elle reste muette, un peu abrutie, un peu sonnée, mais toujours en totale demande.

Un frisson. Un demi-sourire. Et, elle retient son cœur qui se fait la malle. Et, si, Anna, elle ne veut pas l'aimer alors, Gemma, elle aimerait pour deux. Et, si, elle veut pas avoir peur, alors, Gemma, elle aurait peur pour deux. Son regard s'échappe. Comme une timidité passagère qui traduit l'intensité du moment. Puis l'impuissance lui prend les épaules. Elle la sent. La malédiction. Amantes maudites aux cœurs bien trop sensibles. Effleurer l'espoir d'un nous posait déjà quelques balafres sur sa conscience. Le ciel pleure ce mur invisible qui  l’empêche de l’aimer ; ça pleuvine sur leurs âmes. Elle n'ose pas la regarder. Déchiré par le cri sourd qui meurt au bord de ses lèvres. Les émotions rouillées qui reviennent à la vie. Gemma, elle respire la mélodie de l'amour qui traverse les corps et la mélancolie brouillée. Partout autour d’elles.