(told me you were leaving)"
Congratulations mates, we did it! Pour beaucoup de gens, la vie commence le jour où ils prennent leur première inspiration. C'est douloureux, on pleure. Pour moi, la vie a commencé le jour où j'ai obtenu mon diplôme universitaire en Droit. Ca peut paraitre idiot, mais c'est ce jour là que je me suis considérée comme une personne à part entière, capable de faire les choses par elle même, et plus seulement comme une extension de l'ambition de mes parents. C'est pour eux que j'ai entamé des études de droit, parce qu'après le choix "décevant" d'orientation de ma soeur aînée qui a préféré devenir serveuse plutôt que d'entamer de longues études, je me devais selon eux, de remonter le niveau. J'étais brillante, capable et ambitieuse. Je n'avais pas le choix.
C'est pour cette raison que je me tiens aujourd'hui devant toute ma promotion, à prononcer un discours qu'ils auront vite fait d'oublier. J'ai réussi, on a réussi, on a brillamment achevé notre cursus universitaire, nous sommes prêts à devenirs juges, avocats, procureurs.
Je suis brillante, major de ma promo et pourtant, j'ai raté le concours du barreau, deux fois. Impossible de devenir avocate, juge ou procureur. J'ai déçu mes parents. Parfois, je me demande si je ne l'ai pas un peu fait exprès, histoire de montrer à tout le monde que je ne suis pas qu'un cerveau. Je suis un être humain, je peux faire des erreurs.
Ma vie commence là, en juriste ratée qui partage un petit appartement avec sa soeur ainée ici à Tweed Heads. Mais ça me plait. J'ai enfin l'impression de vivre ma propre vie, je suis libre de mes propres choix, et j'aime ça.
There's a stranger in my bedLa porte de ma chambre grince. Les yeux mi-clos, à peine sortie de mon sommeil, j'entends déjà Emma venir me réclamer un préservatif pour satisfaire ce que j'imagine être le millième mec à partager son lit. En réalité, j'ai déjà perdu le compte il y a longtemps. Elle entre à pas feutrés et je sens son poids s'appuyer sur mon matelas, soulever la couverture et se glisser près de moi. "
Mauvais coup?", je demande avec un demi sourire aux lèvres. "
Elle ou moi?". Je sursaute, parce que cette voix n'est pas celle d'Emma, c'est celle d'un type, probablement celui qu'elle a ramené avec elle de soirée et que j'ai eu l'occasion de croiser brièvement en allant au toilettes. Il glisse ses doigts sur mes hanches et je m'éloigne en vitesse. "
Nan mais ça va pas? Espèce de malade!". J'attrape ma lampe de chevet, prête à l'assommer si le besoin s'en fait sentir, et Emma se précipite dans ma chambre. Ses yeux lancent des éclairs, aussi bien à ce type qu'à moi. Elle s'occupe de lui en premier, le jette dehors aussi facilement qu'elle l'a laissé entrer et une fois la porte close, se retourne vers moi. Elle a l'air furieuse. Elle l'est. "
C'est plus fort que toi hein? Faut que tu sois toujours la meilleure pas vrai? Mais qu'est ce qu'ils te trouvent tous hein?". Je reste sans voix, j'ai du mal à comprendre ce qui lui arrive. Je passe du statut de victime à celui de méchante en l'espace de quelques secondes. "
Mademoiselle Parfaite, tu parles...".
***
Emma a finit par me pardonner, elle a comprit que ça n'était pas de ma faute, que ce type n'était qu'un pervers parmi tant d'autres. Seulement depuis, il existe un certain malaise entre nous. J'essaye de ne pas croiser ses conquêtes. Elle prend soin de les faire déguerpir avant que je ne tombe dessus. C'est plus simple comme ça, ça évite une nouvelle catastrophe.
Il est presque midi, on est dimanche. Je sais qu'Emma est rentrée tard hier soir, alors j'imagine qu'elle dors encore et a esquivé une nouvelle fois son jogging du dimanche après avoir mis à la porte le type avec lequel elle a du rentrer hier soir. Encore en pyjama, parce que j'ai horreur de courir et que le dimanche matin est sacré à mes yeux, je me glisse dans la chambre de ma soeur, bien décidée à la réveiller pour qu'elle vienne partager un repas avec moi. J'ai envie de chinois à emporter, comme souvent!"
Debout Emma ! Il est bientôt midi, c'est le temps de te bouger le cul un peu.", j'avance jusqu'aux pieds du lit et me laisse tomber lourdement sur la masse informe qui se dessine sous la couette. Mon coude s'enfonce dans ce que j'imagine être ses côtes et j'esquisse une grimace pour moi même qui se mue en expression horrifiée lorsque j'entends un type grogner en s'extirpant des couvertures. Je me relève dans un cri de frayeur qui ne semble pas du tout lui plaire. "
Non, mais ça va pas ?!". Je lui adresse un regard estomaqué. C'est moi qui ne vais pas bien? "
Et bien, trouver un étranger dans le lit de ma sœur pendant son absence est loin de me rassurer.". A vrai dire, je préfère le trouver dans le lit d'Emma plutôt que dans le mien, une fois suffit..."
Je suis qu'un ami t'inquiète. Je ne vais pas te violer ou quoi que ce soit." Encore heureux! Je quitte la chambre pour rejoindre la cuisine, encore trop sous le choc de ma découverte pour me souvenir qu'il y a encore quelques minutes à peine, je n'avais qu'une idée en tête, manger. Je reste appuyée au comptoir pour digérer cette rencontre pendant plusieurs minutes et suis surprise de le voir arriver et faire comme s'il connaissait déjà la maison par coeur. "
Oh et surtout ne te gênes pas, fait comme chez toi." Mon ton est sarcastique, mon sourire narquois, mais il n'a pas vraiment l'air de s'en formaliser, bien au contraire, il lève son verre à ma santé et m'adresse un sourire avant de le porter à ses lèvres. Je lève les yeux vers le ciel et continue de l'observer avant d'ouvrir la bouche à nouveau. "
Alors, t'es qui ? Son petit copain ? Parce qu'habituellement, elle les met dehors avant que je les trouve.", j'attends sa réaction, et je dois bien avouer qu'elle m'étonne."
Habituellement ?". Emma aurait-elle décidé de jouer dans la monogamie? "
Tu crois que t'es le seul à passer par là ?", j'esquisse un sourire amusé. Si il se pensait tout seul à jouir des faveurs de ma soeur, il risque fort d'être déçu. Pourtant, la nouvelle ne semble pas le toucher outre mesure, j'avoue que je suis un peu déçue moi, j'aurais aimé qu'il se montre un peu jaloux, qu'il ait une réaction, n'importe quoi, mais non. Rien. "
Sinon, moi c'est Justin, même si tu t'en fous un peu.". C'est vrai, je m'en fou. Emma a beau ne pas l'avoir mit à la porte aux premières lueurs du jour, je ne considère pas qu'il s'agisse là d'un traitement de faveur. Je me trompe peut-être, mais j'imagine qu'il s'agit là de notre première et dernière rencontre. "
Lysander..."
It's just easier... "
C'est bizarre, ça fait longtemps que j'ai pas eu de nouvelles de Justin. Je devrais peut-être l'appeler. Tu crois que j'ai fais quelque chose qui lui as déplu?". Je hausse les épaules en priant pour que ma culpabilité ne sois pas lisible sur mon visage. Je passe ma langue sur mes lèvres, et le souvenir du baiser que m'a donné Justin lors de notre dernière entrevue me frappe comme un flashback. Je noie ma culpabilité dans mes nouilles sautés au poulet dans lesquelles je plante mes baguettes pour en ressortir une quantité suffisamment importante pour me faire fermer la bouche pendant quelques minutes. J'ai peur qu'une fois la bouche vide, ma conscience me force à tout avouer à ma soeur. "
Je pense que je vais l'appeler, lui proposer qu'on se voit. Tu sais, je crois qu'il me plait vraiment... C'est le premier qui me fait cet effet là, je peux pas le laisser filer aussi facilement." La bouche encore bien pleine, j'esquisse un sourire forcé à l'attention de ma soeur, trop occupée à rêvasser à propos de Justin pour remarquer mon malaise. "
T'as raison, tu devrais faire ça...". Mes nouilles enfin avalées avec difficulté, je lui adresse un nouveau sourire avant d'avaler une longue gorgée de rosé et de détourner les yeux. J'ai honte de ne pas lui révéler la vérité, que si Justin ne vient plus, c'est parce qu'il m'a embrassé et que j'ai repoussé ses avances, pas parce qu'il ne me plait pas, mais parce qu'au contraire, il me plait mais que j'ai trop peur de perdre ma soeur pour m'aventurer à le lui dire."
Et au fait, comment ça se passe pour toi et Seth?". Je hausse les épaules parce qu'il n'y a rien à dire sur Seth et moi. On est ensemble depuis quelques semaines à peine, c'est un de mes collègues. Il est gentil, très, trop."
Ca va...". Mais il n'est pas Justin...